Cour de cassation, ch.mixte, 21 juillet 2023, 21-17.789 publié au bulletin
Vices cachés – véhicule – prescription
Monsieur D a acquis un véhicule auprès de la société L le 7 mars 2008. Ce véhicule avait été vendu à l’origine par la société Nissan et mis en circulation le 30 mars 2007.
L’acheteur alléguant l’existence de vices cachés affectant l’usage du véhicule, a assigné le fabricant le 6 mai 2016 au fond pour obtenir la restitution du prix et le paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la garantie des vices cachés, à la suite du dépôt du rapport d’expertise judiciaire.
Le fabricant a opposé la prescription de l’action, au motif que :
- L’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ;
- Ce délai est aussi enfermé dans le délai de 5 ans (10 ans avant la loi du 17 juin 2008) fixé par l’article L110-4 du Code de commerce, qui court à compter de la vente initiale lorsque le sous-acquéreur agit contre le fabricant ou le vendeur initial ;
- La prescription était donc acquise selon lui depuis 2012. L’assignation ayant été délivrée en novembre 2013, il entendait voir l’action déclarée irrecevable
La Cour d’appel a jugé que l’action était recevable, car la prescription n’avait pu courir que depuis la découverte du vice, soit le 28 janvier 2015, date du dépôt du rapport d’expertise.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et rappelle dans un arrêt très pédagogique, que :
- L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
- Avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l’action en garantie des vices cachés devait être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, mais également dans le délai de prescription extinctive de droit commun, dont le point de départ n’était pas légalement fixé et qu’elle a fixé au jour de la vente.
- Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l’article L. 110-4, I, du Code de commerce, qui prévoyait une prescription de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l’article 2262 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 précitée, d’une durée de trente ans.
- Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l’article 2224 du Code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
- Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l’article L. 110-4, I, du Code de commerce afin de l’harmoniser avec celui de l’article 2224 du Code civil, mais sans en préciser le point de départ.
- Elle a également introduit à l’article 2232, alinéa premier du Code civil, une disposition nouvelle selon laquelle le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
- Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées.
- Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l’article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l’article 2224 du Code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036 ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031 ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237; Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié)
- Il s’ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du Code civil et L. 110-4, I, du Code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l’article 1648, alinéa premier, du Code civil, à savoir la découverte du vice.
- Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du Code civil et L. 110-4, I, du Code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais butoirs spéciaux de nature à encadrer l’action en garantie des vices cachés.
- Il en résulte que l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l’article 2232 du Code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
La Cour de cassation a donc constaté que le véhicule avait été vendu par le fabricant et mis en circulation le 30 mars 2007, ce dont il résulte que l’action directe intentée le 6 mai 2016 par l’acquéreur à l’encontre du fabricant, moins de vingt ans après, est recevable.
En résumé:
- L’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l’article 2232 du Code civil.
- Cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
- Il en résulte que les constructeurs automobiles, notamment, restent exposés à toute action à l’encontre pendant les 20 ans suivant la 1ère mise en circulation du véhicule, et non pendant les seules 5 années suivant.