Le principe gouvernant le fait religieux au sein de l’entreprise est avant tout celui de la liberté religieuse. Ce principe est protégé par la Constitution de 1958, norme fondamentale, mais aussi par le droit européen (directive du 27 novembre 2000), et, bien entendu, par le Code du Travail.
La liberté de religion s’entend comme la liberté de croire ou de ne pas croire, mais aussi de pratiquer une religion, ou n’en pratiquer aucune, ainsi que de pouvoir en changer.
Un principe voisin de la liberté religieuse et incontournable lorsqu’est abordé le sujet du fait religieux au sein de l’entreprise est celui de la laïcité. Ce principe s’entend comme l’absence d’appartenance religieuse de l’Etat qui est aconfessionnel, et entraine pour les agents de l’Etat l’absence de manifestations religieuses.
A l’inverse, au sein des entreprises privées, ce sont les principes de liberté religieuse et de non-discrimination qui prévalent. Ainsi, le Code du Travail interdit aussi bien la discrimination religieuse que la restriction des libertés religieuses (articles L.1132-1, L.1133-1 et L.1121-1 du Code du Travail), sauf si la discrimination peut être justifiée par des exigences professionnelles essentielles et déterminantes (c’est-à-dire une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité concernée).
Il y a lieu de distinguer la liberté de croyance, de la liberté de manifester sa croyance : toutes les deux sont des libertés fondamentales, mais lorsque la première est absolue et ne souffre d’aucune restriction, la seconde peut être restreinte dans des conditions strictement encadrées par le droit, notamment pour des raisons d’ordre public d’hygiène, de santé et de sécurité.
Depuis la loi Travail du 8 août 2016, il a été octroyé aux employeurs la possibilité de limiter le fait religieux avec l’insertion d’une clause de neutralité dans le règlement intérieur.
Néanmoins, il est essentiel que ce principe de neutralité puisse s’appliquer à tous indifféremment, et donc englober les signes d’appartenance politique, philosophique et religieuse, sans cibler une religion ou une catégorie de salariés en particulier, ce qui équivaudrait à une pratique discriminatoire.
Pour être licite, la clause doit être justifiée par un objectif légitime et liée à l’intérêt de l’entreprise, sans pour autant porter une atteinte excessive aux droits des salariés. Il s’agit donc de trouver un accommodement raisonnable dans la mise en place des mesures générant des restrictions apportées à la liberté religieuse.
S’il semble désormais possible au nom de la liberté d’entreprendre d’imposer au personnel une tenue neutre afin de préserver l’image de marque de la société, surtout en cas de contact avec les clients, il est néanmoins nécessaire de caractériser l’intérêt de l’entreprise avec précision et ne pas confondre celui-ci avec les exigences de la clientèle.
Indépendamment de l’insertion d’une clause dans le règlement intérieur, une réflexion sur la mise en place d’une charte éthique peut être menée.
Celle-ci aura vocation à préciser les principes fondamentaux gouvernant l’entreprise en terme d’exigences de fonctionnement, de vie en commun, et de respect des individus.
En pratique, elle ne s’avérera réellement pertinente qu’en complément d’un règlement intérieur et de pratiques managériales adaptées.
La prévention des comportements inadaptés représente sans aucun doute l’essentiel du traitement du fait religieux au sein de l’entreprise.
Gwenaëlle Artur
Avocat associé | Partner