Cour d’appel de Fort-de-France, 13 juillet 2021, n°20/00025
Décryptage par Lucie Chênebeau – Avocat – IP-IT- MEDIA – DATA PROTECTION
En 1994, à la suite d’une commande publique du Conseil régional de Guadeloupe, une artiste peintre réalise une fresque destinée à orner l’hémicycle de l’hôtel de région.
En 2015, l’artiste remarque que sa fresque picturale est recouverte d’une bâche supportant des visuels de campagnes thématiques et politiques.
Elle met alors en demeure le Conseil régional de retirer cette bâche ou de lui restituer son œuvre, ou encore de l’exposer ailleurs, estimant être victime d’une atteinte à son droit moral.
Ces demandes restant vaines, l’artiste saisit alors le Tribunal judiciaire de Fort-de-France, qui rejettera l’ensemble de ses demandes.
Alors saisie, le 13 juillet 2021 la Cour d’appel de Fort-de-France confirme la décision des premiers juges, relevant que l’œuvre n’est pas constamment dissimulée et que lorsqu’elle l’est la dissimulation a pour but d’afficher des messages en rapport avec la destination du lieu dans lequel elle se trouve, c’est-à-dire un hémicycle politique.
Alors que l’artiste se prévalait d’une atteinte grave à ses droits, la cour retient qu’elle ne démontrait pas que l’œuvre avait pu être démantelée ou encore altérée, les bâches ne l’endommageant pas et pouvant d’ailleurs être retirées à tout moment.
Malgré la destination de l’œuvre, commandée pour être exposée au public, la Cour considère qu’il n’y a pas d’atteinte à son intégrité ni à son esprit qu’elle soit provisoirement dissimulée, et donc au droit moral de son auteur.
Tel ne serait pas le cas en revanche si l’œuvre venait à être altérée, l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre et au droit de représentation justifiant alors l’indemnisation de son auteur lorsqu’une fresque murale est amputée de l’un de ses quatre pans à la suite de travaux ayant causé des dégâts.(1)
Dans cette affaire, la Cour rappelle donc de façon pédagogique que l’inexploitation de l’œuvre – qu’on peut comprendre ici comme la dissimulation temporaire au public – ne relève pas du droit moral de l’auteur, mais bien de ses droits patrimoniaux, plus précisément du droit de représentation.
Cela étant, sa dissimulation temporaire n’est pas suffisante pour altérer véritablement ses modalités de représentation auprès du public et porter ainsi aux droits patrimoniaux de son auteur.
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(1) Cour d’appel de Paris, 8 septembre 2015, n°14/05589