Décryptage par Anmar Lucia Pinto, Avocat collaborateur – IP-IT-DATA PROTECTION
et Léa Malis – Élève-avocate – IP-IT-DATA PROTECTION
Près de cinq mois après la publication de l’Ordonnance du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services, les nouvelles dispositions concernant la procédure en nullité et en déchéance d’une marque sont en vigueur depuis le 1er avril 2020.
Les autres dispositions sont, quant à elles, en vigueur depuis le 11 décembre 2019.
En France, c’est la Loi PACTE du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises qui a autorisé la transposition de la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 dite « Paquet Marques ».
A travers cette réforme majeure, la France prend en compte les actifs immatériels des entreprises, de plus en plus importants.
A vos marques…
Les nouveautés en droit des marques sont nombreuses. Du fait de leur importance, certaines se doivent d’être soulignées.
Enregistrez !
De nouveaux types de marques répondant aux évolutions techniques et économiques peuvent à présent être enregistrées, telles que les marques sonores (un fichier MP3, une portée musicale), les marques multimédias (une combinaison d’image et de son) ou encore les marques de mouvement (un fichier vidéo sans son, une représentation d’une suite de mouvements).
En effet, la définition de la marque a été largement simplifiée, permettant ainsi aux entreprises de déposer les signes, qu’elles utilisaient auparavant, à titre de marque.
De la même manière, l’exigence d’une représentation graphique est abandonnée au profit d’une représentation « dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire » (article L.711-1 du Code de Propriété Intellectuelle).
Enfin, la mauvaise foi d’un déposant devient un motif de refus d’enregistrement ou d’annulation de la marque. Les demandeurs devront donc se montrer de bonne foi, lors du dépôt de leur marque, au risque de se voir refuser l’enregistrement. Cette nouvelle mesure facilite la libération des marques déposées de mauvaise foi et permet ainsi à d’autres acteurs de les utiliser.
Protégez !
A présent, toute personne qui souhaiterait voir rejeter une demande d’enregistrement d’une marque, peut formuler, auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), des observations sans avoir à justifier d’un quelconque intérêt.
Par ailleurs, la procédure d’opposition, en tant que telle, est elle-aussi révisée. Cette nouvelle procédure se veut, selon l’INPI, « plus souple, plus équitable et plus économique ».
Concrètement, les entreprises pourront empêcher l’enregistrement d’une marque, si elles estiment que celle-ci porte atteinte à leurs droits antérieurs. Elles pourront notamment se prévaloir de la dénomination sociale, du nom commercial, de l’enseigne, ou encore du nom de domaine.
A l’occasion de cette procédure, l’INPI dispose d’un véritable pouvoir d’appréciation en matière de preuves d’usage sérieux des marques antérieures invoquées. A ce titre, nous ne pouvons que conseiller aux entreprises de conserver régulièrement tout type de preuves qui attesteraient l’usage sérieux de leurs marques, afin de pouvoir les protéger.
Défendez !
Pour permettre aux entreprises de défendre, au mieux, leurs droits, une nouvelle procédure administrative en nullité et en déchéance des marques a été mise en place. L’objectif premier est de faciliter ces actions, auparavant ouvertes dans le seul cadre d’une procédure judiciaire.
Les compétences de l’INPI sont renforcées au dépend des tribunaux judiciaires très engorgés.
Toutefois, ces derniers restent compétents dans certaines hypothèses, notamment pour les demandes connexes à une action en contrefaçon.
S’agissant de la contrefaçon, les entreprises victimes d’une reproduction ou d’une imitation de leur marque, pourront bénéficier de l’application de nouvelles règles strictes : les contrôles douaniers sur les marchandises en transit externe sont rétablis, et les actes préparatoires à la contrefaçon peuvent être sanctionnés.
Concernant le délai de prescription de l’action en contrefaçon, son point de départ est enfin précisé.
Le délai de prescription quinquennal court désormais « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer » (article L.716-4-2 du Code de Propriété Intellectuelle) et non plus « à compter des faits qui en sont la cause ».
Avec cette refonte du droit des marques, nous ne pouvons que vous recommander de repenser votre stratégie de protection de votre (ou de vos) marque(s). De nouvelles perspectives s’offrent à vous, soyez innovant !