Décryptage par Walid Sahli, Stagiaire Aston Avocats – étudiant à l’ESCP Business School et à l’université Paris 2.
Une contraction nette du marché des fusions-acquisitions
La crise sanitaire actuelle est à l’origine de nombreuses conséquences économiques et juridiques auxquelles les opérations de fusions-acquisitions n’échappent pas. En effet, les effets de la pandémie se traduisent tout d’abord par une contraction importante du marché du M&A. On observe ainsi une chute de 26,5% au premier trimestre 2020 de la valeur globale des transactions par rapport à 2019. Le manque de visibilité sur les conséquences à long terme de la crise a conduit les entreprises, prudentes, à suspendre ou à annuler tout projet d’opération.
Plus fondamentalement, la situation actuelle paraît peu propice à la mise en place d’une stratégie M&A. Effectivement, fragilisées par le ralentissement de l’activité économique, les entreprises font de la gestion de la crise leur principale préoccupation. En outre, le Covid-19 rend l’évaluation du prix d’une société et l’appréciation de la rentabilité d’une transaction d’autant plus difficile. Il est fort à prévoir que seule la fin des mesures sanitaires permettra un retour à la normale.
Des conséquences sur les opérations futures
Si les opérations en cours sont les premières affectées par la pandémie, il n’en est pas moins certain que celle-ci impactera significativement les pratiques contractuelles des opérations futures.
En effet, la crise a révélé la nécessité de prévenir, par des mécanismes conventionnels, une situation similaire. Dans cette logique, il est fort probable que de plus en plus d’acquéreurs décident d’insérer une clause MAC (« Material Adverse Clause »). Cette clause permet à l’acquéreur de se désengager de l’opération, ou d’en renégocier les termes, en cas événements graves et imprévisibles affectant significativement la société cible. L’enjeu sera alors de définir précisément les cas dans lesquels une telle clause pourra être invoquée. De même, les parties auront probablement recours à des conditions suspensives. Il sera aussi intéressant de voir si la jurisprudence décide de préciser sa position et d’étendre la notion de force majeure aux épidémies*.
D’autre part, l’incertitude entourant la situation économique incitera certainement les parties à préférer des mécanismes d’ajustement de prix et des clauses d’earn-out, au détriment des transactions à prix fixe (« locked-box »). Quant aux dues-diligences, la crise invite dès à présent les acteurs du M&A à les mener de manière plus approfondie. Ainsi, une attention particulière doit être accordée aux conséquences opérationnelles et financières de la crise sur la cible. Il apparaît aussi nécessaire d’évaluer la capacité de l’entreprise cible à faire face à une crise de la même nature.
Au-delà de ces préoccupations juridiques, la gestion organisationnelle des transactions est aussi impactée. Ainsi, la crise sanitaire a par exemple forcé les acteurs du M&A à digitaliser le processus transactionnel afin de s’adapter à cette situation inédite. Seule alternative en période de confinement, les closings dématérialisés se sont en effet multipliés.
Des opportunités nombreuses et un rebond certain
Quoi qu’il en soit, plusieurs indicateurs laissent espérer un rebond rapide du marché du M&A. D’une part, certains secteurs ont été peu affectés par la crise (numérique, vente en ligne, etc.) et rythment d’ores et déjà le marché. D’autre part, les opérations de fusions-acquisitions peuvent constituer pour une entreprise un moyen d’augmenter sa résilience face à la crise. En effet, dans une perspective de consolidation, de nombreux rapprochements se révéleront opportuns. En outre, la crise a rappelé à certains acteurs la nécessité de diversifier leur activité, un constat qui se concrétisera indubitablement par des opérations stratégiques au sortir de la crise.
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* CA Colmar, 12 mars 2020, n°20/01098.