Depuis le 1er janvier 2019, les profits tirés de l’exploitation ou de la cession de certains actifs incorporels peuvent bénéficier, sous conditions, d’un taux d’impôt sur les sociétés réduit à 10%.
Sous l’impulsion de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Union européenne, la loi de finances pour 2019 a consacré en droit français l’approche dite « Nexus », qui vise à traiter favorablement certains revenus de la propriété intellectuelle lorsqu’ils sont générés par des dépenses de recherche (R&D) réalisées en France.
Ce régime préférentiel et optionnel – souvent nommé « IP Box » – a été codifié sous l’article 238 du Code général des impôts, et demeure à ce jour relativement méconnu des éditeurs de logiciels et de ses autres potentiels bénéficiaires.
Entreprises concernées par le régime de faveur
Peuvent bénéficier de ce régime favorable :
- Les entreprises passibles de l’impôt sur les sociétés (IS);
- Les entreprises relevant de l’impôt sur le revenu (IR) et soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition ;
- Les sociétés de personnes.
Actifs incorporels éligibles
Seuls les revenus procurés par certains actifs incorporels sont concernés par le régime de l’IP Box :
- Les brevets (ainsi que les certificats d’utilité, les certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet et les inventions brevetables non brevetées) ;
- Les certificats d’obtention végétale ;
- Les procédés de fabrication industriels ;
- Les logiciels protégés par le droit d’auteur, (y compris leurs versions successives ou simultanées), c’est là la grande nouveauté du régime.
-> Pour être protégé par le droit d’auteur, le logiciel doit être original, c’est-à-dire qu’il doit être caractérisé par un « apport intellectuel propre » et « un effort personnalisé » de son auteur – Cass. 1ère civ. 17 oct. 2012, n° 11-21.641.
Les actifs doivent par ailleurs être inscrits à l’actif immobilisé de l’entreprise.
Opérations concernées
Les contrats retenus pour l’application du régime de l’IP Box sont les concessions (licences), les sous-concessions et les cessions d’actifs lorsqu’elles sont réalisées entre entreprises indépendantes.
Calcul de l’avantage fiscal
Le taux d’imposition réduit de 10 % s’applique seulement à une partie du résultat de l’entreprise : le « résultat net » pondéré par un ratio dit « nexus ».
- Etape 1 : calcul du résultat net
Un résultat net est dégagé, pour chaque exercice, par la différence entre le revenu retiré de l’actif éligible et les dépenses de R&D relatives à cet actif engagées par l’entreprise.
- Les revenus des actifs sont ceux liés aux concessions ou sous-concessions (redevances contractuelles acquises au cours de l’exercice) ou à la cession d’actifs éligibles (contreparties reçues par l’entreprise au cours de l’exercice pour la cession de ces actifs).
-> Le revenu net doit, en principe, être calculé actif par actif. Néanmoins, en cas d’impossibilité de procéder par actif, il peut être admis de calculer le revenu net par famille d’actifs.
-> Dans le cas où le contrat porte à la fois sur des actifs incorporels éligibles et sur des droits non éligibles ou encore sur d’autres éléments (comme des services), l’entreprise doit ventiler le prix de vente ou les redevances en déterminant la partie du prix correspondant à la rémunération des actifs éligibles. Les logiciels, par exemple, sont souvent donnés en licence d’exploitation intégrant une prestation de service globale (assistance technique, formations des utilisateurs, documentation, etc.). Les revenus tirés de la concession (licence) doivent donc être détachés, le temps du calcul, des bénéfices de ces prestations de services.
- Les dépenses retenues doivent :
- présenter la nature de dépenses de R&D ;
- être en lien direct avec l’actif incorporel éligible ;
- être réalisées directement ou indirectement par l’entreprise concernée.
-> Exemples de dépenses non prises en compte dans le calcul du résultat net : frais de défense des droits de PI (ex : action en contrefaçon), frais et charges relatifs aux emprunts, coûts afférents aux bâtiments/ terrains, dépenses de veille technologique ou encore frais généraux, dépenses relatives à des projets de R&D infructueux.
- Etape 2 : application d’un ratio « Nexus » au résultat net
Une fois le résultat net obtenu, il convient de calculer le ratio « nexus » pour déterminer la fraction du résultat net pouvant bénéficier du taux réduit de 10 %.
Le ratio nexus s’entend du rapport entre, d’une part, les dépenses de R&D en lien direct avec la création et le développement de l’actif éligible et réalisées directement par le contribuable ou par des entreprises sans lien de dépendance (sous-traitants) et, d’autre part, le montant total des dépenses de recherche afférentes à cet actif.
Les dépenses du numérateur sont par ailleurs majorées de 30 %.
Le rapport obtenu est arrondi au nombre entier supérieur et ne peut excéder 100 %.
Le numérateur exclut ainsi les dépenses d’acquisition d’actifs éligibles ainsi que les dépenses réalisées par des entreprises externes mais liées au contribuable intéressé (ou par un établissement stable à l’étranger).
Les dépenses externalisées auprès d’entreprises non liées peuvent cependant être considérées comme telles lorsqu’elles sont supportées par une entité liée mais qui les a refacturées sans marge à l’entreprise concernée.
-> Dans le cas d’une entreprise ayant développé son logiciel exclusivement au moyen de ressources internes, le ratio nexus sera de 1 et la totalité du résultat net sera donc éligible à l’imposition au taux de 10%.
-> L’avantage de ce régime réside dans la réduction d’impôt à laquelle il ouvre droit. Ainsi, à la différence d’un crédit d’impôt, il ne présente d’intérêt qu’à la condition que l’entreprise ait un résultat bénéficiaire.
Formalisation de l’option et obligation documentaire
L’option pour le régime de l’IP Box doit être souscrite annuellement par l’entreprise qui entend en bénéficier.
Cette option est matérialisée par la souscription d’une annexe jointe à la déclaration de résultats (formulaire n °2468) et doit être formulée pour chaque actif ou groupe d’actifs.
En cas de vérification de comptabilité, l’article L13 BA du Livre des Procédures Fiscales impose de tenir une documentation permettant de justifier du calcul du résultat net soumis au taux réduit.
La documentation doit être tenue à disposition de l’administration « sous un format électronique de nature à permettre l’échange et la lecture des documents », et actualisée tout au long de la période couverte par l’option pour le régime.
En cas de manquement à cette obligation de présentation de la documentation (ou en cas de documentation incomplète), l’administration doit adresser une mise en demeure de la produire ou de la compléter dans un délai de 30 jours.