La Cour de Justice de l’Union Européenne qualifie ENEDIS de « producteur » d’électricité au sens de la directive de 1985 instaurant le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux (CJUE, 24 nov. 2022, n° C‑691/21, Capfi et Aviva c/ Enedis).
La vigilance est donc de mise puisque la prescription de trois ans s’applique aux actions à mener contre ENEDIS lorsque son produit, l’électricité, cause des dommages …
En effet, l’enjeu particulier, derrière la question préjudicielle posée à la Cour de justice de l’Union Européenne par la Cour de cassation, était celui de savoir si la courte prescription de 3 ans trouvait à s’appliquer dans le cadre d’actions à l’encontre d’ENEDIS lorsqu’une anomalie électrique cause des dommages, étant rappelé que la prescription de droit commun en matière de responsabilité civile contractuelle est de 5 ans.
Les faits sont les suivants : de nombreux appareils électriques appartenant à société CAPFI dysfonctionnent en raison d’une surtension sur le réseau ENEDIS. Cette société justifie d’un préjudice, que son assureur AVIVA, désormais ABEILLE IARD & SANTE, a partiellement indemnisé.
AVIVA et CAPFI ont assigné ENEDIS sur le fondement de la responsabilité contractuelle, mais cette a invoqué la prescription triennale considérant que seules les règles de la responsabilité du fait des produits défectueux seraient applicables à l’espèce.
S’il n’est pas discutable que l’électricité est un produit au sens de la directive (d’ailleurs l’article 1242-2 du code civil le prévoit expressément), la question était de savoir si ENEDIS, en qualité simple distributeur d’électricité, pouvait être qualifié de « producteur ».
La question préjudicielle de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi d’AVIVA et de CAPFI contre un arrêt ayant retenu l’application de la responsabilité du fait des produits défectueux, est la suivante :
« Les articles 2 et 3 paragraphes 1 de la Directive 85/374 doivent-ils être interprétés en ce sens que le gestionnaire d’un réseau de distribution d’électricité peut être considéré comme « producteur », dès lors qu’il modifie le niveau de tension de l’électricité du fournisseur en vue de sa distribution au client final. »
Dans son arrêt du 24 novembre 2022, la Cour de Justice de l’Union ne tient pas compte des arguments de l’avocat général de la Cour de cassation, qui faisait valoir qu’ENEDIS ne produisait pas d’électricité à partir d’une matière première, qu’elle ne la vendait pas, puisque c’est le fournisseur (qui n’est pas ENEDIS) qui vend l’électricité au consommateur.
La CJUE considère en effet qu’un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité qui modifie le niveau de tension de l’électricité doit être considéré comme un « producteur » au sens du droit de l’Union, dès lors qu’il est le seul à pouvoir être considéré comme tel, étant le seul à agir sur la qualité du réseau en modifiant le niveau d’intensité et de tension afin que l’électricité puisse être offerte au public et consommée.
Si la responsabilité d’ENEDIS est plus simple à engager sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux plutôt que sur celle du droit commun, la prescription est courte et nécessite une vigilance particulière.