Un cadre moyen reçoit aujourd’hui dix fois plus d’informations qu’il y a quinze ans et produit 10% de données de plus chaque année. 7 salariés sur 10 affirment être sollicités par leur entreprise en dehors du bureau. Mais seul 1 actif sur 5 considère que son entreprise intervient pour limiter les usages des outils numériques en dehors du temps de travail.
Dans cette ère de « l’immédiateté télécommunicationnelle » marquée par l’« infobésité » et la multiplication des situations d’urgence, de nouvelles pathologies sont apparues. Aux Etats-Unis, on appelle « FOMO » (Fear of missing out) le syndrome selon lequel un salarié n’arrive pas à se déconnecter de peur d’être débordé.
La question du droit à la déconnexion – ou le droit pour le salarié de ne pas être joignable en dehors de ses heures de travail pour des motifs liés à l’exécution de son travail – est donc un enjeu sociétal majeur de santé au travail, surtout lorsqu’on sait que 17% de la population active en France s’estime en situation de « burn-out ».
Le droit à la déconnexion se pose essentiellement lorsque le salarié se connecte avec un sentiment de contrainte. A contrario, le droit de se connecter à son outil de travail en dehors de son temps de travail doit constituer aussi une liberté de travailler différemment, à condition qu’elle n’empiète pas sur celles des autres.
Si le Syntec et le Cinov, dans un accord de branche du 1er avril 2014, signé avec la CFDT et la CFE-CGC ont déjà pris connaissance de l’ampleur de la problématique, il n’existait jusqu’alors aucune disposition légale à ce sujet. Avec la mise en vigueur de la loi Travail le 1er janvier dernier, les salariés ont désormais le droit de se déconnecter.
L’article L2242-8 nouveau du Code du travail intègre ce sujet fondamental parmi la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. A défaut d’accord, l’employeur devra élaborer une charte. La loi Travail prévoit également des dispositions spécifiques de sécurisation des conventions de forfait en jours.
Ce droit interroge sur le déplacement du droit du travail vers la sphère privée car la déconnexion s’applique en partie hors des temps de travail, ce qui fait du droit à la déconnexion une problématique singulière.
Si certaines entreprises ont déjà cherché à s’assurer de la déconnexion de leurs salariés, d’autres sont désormais contraintes de veiller à ce que l’usage des outils numériques par les salariés n’interfère pas avec les temps de repos et de congés légaux.
Cette obligation juridique reste à être retranscrite par l’employeur dans le cadre de démarches concrètes, pour ainsi respecter son obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés.
Le droit à la déconnexion est une notion pluridisciplinaire qui recouvre des enjeux tant de santé au travail que de dialogue social et de responsabilité sociale, qui requiert l’investissement de tous pour ainsi favoriser un meilleur « vivre ensemble » en entreprise.
En attendant, n’oubliez pas de déconnecter !
Belles vacances !
Gwenaëlle Artur
Avocat associé | Partner