Décryptage par Clémence Carradu, Avocate et Sabine Liégès, Avocate Associée, Responsable du département Risques d’Entreprise et Assurance
Après avoir déjà malmené la prescription biennale applicable aux actions fondées sur un contrat d’assurance, la Cour de cassation a franchi un nouveau cap le 7 octobre 2021 en transmettant au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité (« QPC ») relatives à l’article L. 114-1 du Code des assurances.
En effet, depuis de nombreuses années, la Cour de cassation use d’arguments inventifs pour anéantir cette courte prescription en exigeant, à peine d’inopposabilité :
- D’abord que les polices d’assurance mentionnent le point de départ du délai de prescription et les causes d’interruption mentionnées à l’article L114-2 du Code des assurances (Civ. 2e, 30 juin 2011, no 10-23.223, Civ. 2e, 3 sept. 2009, no 08-13.094), et ce outre la mention du délai pour agir requise par l’article R112-2 du même Code.
- Puis qu’elles citent toutes les causes ordinaires d’interruption (Civ. 2e, 18 avr. 2013, no 12-19.519, Civ. 2è, 18 avr. 2019, n° 18-14.404),
Au printemps 2019, la Cour de cassation est allée jusqu’à rendre imprescriptibles les réclamations des assurés dont les polices d’assurances ne respectent pas les exigences ci-dessus (Civ.3ème, 21 mars 2019, 17-28.021).
Poursuivant sa démarche, la Cour de cassation demande désormais au Conseil Constitutionnel de déterminer notamment si la prescription biennale en matière d’assurance instaure une rupture d’égalité (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) entre les justiciables au regard du délai quinquennal de droit commun prévu à l’article 2224 du Code civil.
La question est de savoir si la prescription de 2 ans applicable aux assurés non professionnels constitue une rupture d’égalité envers les autres consommateurs, lesquels disposent d’un délai de prescription de 5 ans (article 2224 du Code civil).
Selon la Cour de cassation, la différence ainsi instaurée ne paraît pas justifiée par un motif d’intérêt général.
Le sort de la courte prescription en matière de droit des assurances est désormais entre les mains des sages de la rue de Montpensier…