Cour d’appel de DOUAI, 22 juin 2023, 21-02.152
Vices cachés – cheval – antériorité du vice à la vente
Le 30 septembre 2017, Madame J, gérante d’un centre équestre, a vendu un cheval à Monsieur L, destiné à la pratique du saut d’obstacle, moyennant la somme de 8 000 euros.
Aucune visite d’achat n’a été réalisée.
Une boiterie est apparue 5 mois après la vente, à la suite d’une compétition.
Le cheval a été diagnostiqué ataxique, maladie causée par une compression de la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales 6 et 7, accompagnée de lésions d’ostéo-arthrose et de la présence de gaz en regard des vertèbres. Il a été déclaré inapte à toute activité sportive.
Le 11 mai 2020, Monsieur L a fait délivrer une assignation à Madame J afin d’obtenir sa condamnation, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, à l’indemniser du préjudice résultant de la pathologie présentée par l’animal, constitutive selon lui d’un vice caché.
Le 9 février 2021, le tribunal a rejeté toutes les demandes de Monsieur L. Il a interjeté l’appel du jugement.
Le 22 juin 2023, la Cour d’appel a confirmé le jugement rendu le 9 février 2021 et a débouté Monsieur L de toutes ses demandes.
Pourquoi ?
Pour rappel, la garantie des vices cachés ne peut être mise en œuvre que si :
- La chose (en l’espèce le cheval…) est impropre à son usage normal,
- Le vice dont elle est affectée existait avant la conclusion de la vente,
- Le vice était caché, c’est-à-dire non-décelable par l’acquéreur au moment de la réception.
C’est à l’acheteur qu’il revient de rapporter la preuve du vice et de son antériorité à la vente.
Le vendeur ne peut pas se dégager de sa responsabilité en soutenant qu’il ne connaissait pas la pathologie dont le cheval était atteint.Le vendeur professionnel est d’ailleurs présumé, de manière irréfragable, connaître les vices de la chose qu’il vend.
Pour se défendre en l’espèce, le vendeur a soutenu que l’origine de la pathologie présentée par l’animal n’était pas établie avec certitude, et donc qu’il n’était pas possible d’en dater l’apparition.
Les vétérinaires qui ont examiné le cheval en mars et avril 2018 mentionnent une ataxie d’apparition brutale.
Un des vétérinaires ajoute que l’origine du gaz au niveau des vertèbres C6-C7 n’est pas claire, que ceci peut être lié à une injection, une plaie ou une infection.
Le docteur M, appartenant à un réseau d’experts, a déclaré le 9 octobre 2019, à propos de la compression C6-C7 : « Cette compression serait due à la présence de gaz ayant forcément une origine antérieure à la vente. Le défaut de l’animal était donc caché et antérieur à la vente ».
Aucune certitude ne s’est donc dégagée des expertises vétérinaires quant à l’origine de l’ataxie et à sa date d’apparition.
La Cour d’appel a jugé que l’expert tirait la conclusion de l’antériorité du défaut à la vente d’une circonstance hypothétique, puisqu’exposée au conditionnel.
Si l’expert ne parle que d’une hypothèse « la plus probable », ceci signifie que la preuve n’est pas absolument certaine que le défaut existait avant la vente.
La Cour d’appel de DOUAI a donc rappelé que, pour mettre en œuvre la garantie des vices cachés, il faut pouvoir identifier le vice, le dater avec certitude et de manière impartiale.
Tel n’est pas le cas d’un vice affectant un cheval souffrant d’ataxie, le rendant inapte à toute activité sportive, dans la mesure où l’antériorité du défaut à la vente n’est pas établie avec certitude.
Aux termes de l’article L 213-1 du Code rural et de la pêche maritime, l’action en garantie, dans les ventes ou échanges d’animaux domestiques, est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la section dudit code consacrée aux vices rédhibitoires.
L’article R 213-1 du même Code énumère les maladies ou défauts qui, pour le cheval, l’âne et le mulet, sont réputés vices rédhibitoires et donnent seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 à 1649 du Code civil.
Si la pathologie dont a été atteint le cheval en l’espèce n’en fait pas partie, et qu’aucun contrat de vente n’a été établi prévoyant une dérogation aux règles précitées, la convention contraire peut être implicite et résulter de la destination de l’animal vendu.
En l’espèce, il est apparu évident que les parties avaient convenu que le cheval vendu avait pour destination la pratique du saut d’obstacle et qu’il était devenu impropre à cet usage.
Ceci a permis au vendeur d’agir sur le fondement de la garantie des vices cachés en dehors du cadre restrictif défini par le Code rural.