Décryptage par Sabine Liégès, Avocate Associée, Responsable du département et Salomé Tebeka, Juriste – RISQUES D’ENTREPRISE ET ASSURANCE
L’effroi ressenti face à l’idée de son propre décès : quelle indemnisation pour le préjudice d’angoisse de mort imminente des victimes d’actes de terrorisme ?
Il est établi depuis de nombreuses années qu’une victime peut solliciter l’indemnisation de son préjudice d’angoisse dans diverses situations. Aujourd’hui, ce sujet atteint son paroxysme face aux attentats récemment survenus en France.
Fondamentalement, l’acte terroriste entraine une souffrance psychologique aigüe du fait qu’il provoque, chez la victime, pendant le cours de l’évènement, une très grande détresse et une angoisse due à la conscience d’être confrontée à la mort.
C’est donc face aux circonstances dramatiques auxquelles se sont trouvées confrontées les victimes des attentats survenus en 2015 qu’il a été jugé nécessaire que le Droit appréhende la confrontation à sa propre mort pour une victime d’acte terroriste.
Le préjudice d’angoisse de mort imminente est indemnisé par le Fonds de garantie seulement depuis 2017.
Ce sont les avocats des victimes des attentats de 2015 qui ont revendiqué l’indemnisation d’un tel préjudice spécifique en publiant un « Livre blanc sur les préjudices subis lors des attentats ».
Ce livre blanc a donné lieu à un rapport rendu sous la direction de Madame le Professeur Stéphanie Porchy-Simon qui a conclu à la nécessité de reconnaître le préjudice situationnel d’angoisse des victimes directes.
Celui-ci est défini ainsi : « Préjudice lié à une situation ou à des circonstances exceptionnelles résultant d’un acte soudain et brutal, notamment d’un accident collectif, d’une catastrophe, d’un attentat ou d’un acte terroriste et provoquant chez la victime, pendant le cours de l’évènement, une très grande détresse et une angoisse due à la conscience d’être confronté à la mort ».
Dans les suites de ce rapport, le Fonds de Garantie a retenu le barème suivant :
- entre 5000 et 30 000 euros pour les victimes décédées, en fonction de la situation de la victime. L’existence de ce préjudice est présumée en cas de décès. Ce préjudice fait partie de l’actif successoral du défunt.
- entre 2000 et 5000 euros pour les victimes blessées, envisagé sur l’avis d’un expert.
Le préjudice d’angoisse est-il soluble dans d’autres types de préjudices ?
Le droit de la réparation du dommage corporel est gouverné par une nomenclature qui dresse les différents postes d’un préjudice corporel.
A ce jour, doctrine et jurisprudence sont toujours partagées entre une indemnisation autonome du préjudice d’angoisse et une prise en considération dans le cadre d’autres types de préjudices.
Le ressenti de la victime craignant sa mort imminente durant un attentat est tout à fait atypique du fait de son caractère particulièrement anxiogène.
Il y a donc urgence à reconnaitre le préjudice d’angoisse de mort imminente comme un préjudice autonome en matière de terrorisme.
Le préjudice d’attente et d’inquiétude des proches attendant des nouvelles de victimes est également indemnisable.
L’indemnisation des proches des victimes a suivi une évolution similaire à celle des victimes confrontées à leur mort imminente.
En effet, le Fonds de garantie indemnise le préjudice d’attente et d’inquiétude subi par les proches précédemment à l’annonce du décès.
Là encore, les modalités d’indemnisation de ce préjudice sont sujettes à discussion : souffrances endurées déterminées par expertise médicale ou majoration du préjudice d’affection ?
Le conseil d’administration du Fonds de Garantie s’est prononcé dans le sens d’une majoration de l’évaluation du préjudice d’affection comprise entre 2000 et 5000 euros.
La reconnaissance de ces nouveaux postes de préjudice atypiques par le Fonds de Garantie est une avancée pour les victimes mais les contours de leur indemnisation restent encore flous. Des avancées sont encore attendues…